MONOGRAPHIE d'une FAMILLE d'IMMIGRES

Ma photo
////<:>////ALBUM PHOTOS DE FAMILLE ////<:>//// La mise en ligne de la photographie de ces gens vise à les faire voyager dans le présent. Votre visite va les soustraire à la position horizontale des albums de l'oubli ou de la pierre tombale où ils étaient allongés, pour les restituer à la verticalité de la mémoire... ////<:>//// 20 ans après avoir quitté le Togo, voici des réflexions et commentaires d'un immigré LAMBDA qui découvre les images de sa famille. Il mélange des photos d'époque avec des images plus récentes souvent floues ou des photos râtées qui n'en sont pas moins éloquentes.////<:>//// "Taflatche" signifie en mina littéraire " sauf votre respect", car on y découvre une afrique intime : une vision complémentaire car en léger décalage avec les réprésentations auxquelles les journaux télévisés de 20 heures nous ont habitué.////<:>//// Consultation du bas vers le haut recommandée. Pour agrandir les images, cliquez dessus ////<:>//// Ecrivez à: taflatche@gmail.com////<:>////Lisez "Avertissement" dans profil complet.////<:>////

Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous

Ma mère, ici dans sa jeunesse, a aujourd'hui 70 ans passés et un début d'Alzheimer. Mais au fur et à mesure qu'elle perd la mémoire, je retrouve la mienne.

Depuis quelques temps, j'entends les gens s'apitoyer sur son sort. ( Les gens aiment s'apitoyer sur le sort des autres!) Elle raconterait n'importe quoi, disent-ils. Même moi, j'ai été tenté de le croire puisque je rentre de là-bas et j'ai mis beaucoup de propos qu'elle tenait sur le compte de sa maladie. Il faut dire que quelquefois, en l'écoutant, j'ai eu l'impression de lire Nijinski. En fait, on peut rarement percevoir la maladie chez elle, puisque les conversations se passent normalement. Elle ne se lève pas tous les matins pour me demander qui je suis - chose que je croyais avant mon départ avec tout ce que les braves gens me racontaient sur elle.

C'est seulement lorsqu'on ne lui demande rien et qu'elle se met à raconter, raconter et raconter encore que se produisent de légers bogues. Et ce, de la manière suivante : par exemple à un moment, le flot de ses paroles ricochent contre un mot et tout d'un coup, après une petite pause, ses propos changent de teneur ; à partir de ce mot, elle embraye sur un autre paragraphe ( pas sur un autre sujet). On dirait presque que le problème ( pour ceux qui l'écoutent, mais pas pour elle) tient beaucoup plus au fait qu'elle ne prend plus la peine de faire les transitions nécessaires qu'à une véritable absence de logique ; malgré ses revirements brusques, le principal sujet restant le même. C'est donc l'articulation des parties du discours qui pose problème. Et pas à toutes les phrases. Mais seulement au niveau de ce qui correspondrait à des fins de paragraphes. En somme quand elle raconte, on dirait le chapitre d'un livre dont les paragraphes seraient éparpillés comme des pièces de puzzle. Pas les phrases encore une fois, mais les paragraphes. Voyez-vous la différence? Je connais beaucoup de personnes, qui parlent à peu près de la même façon - sans se soucier le moins du monde des efforts que l'auditoire devrait faire pour les suivre. Pourquoi ma mère serait elle considérée dans le lot comme l'unique malade, mais pas les autres ? En fait pour la suivre, il faut juste être souple et très ample d'esprit, puisque au final, tout ce qu'elle dit se recoupe.

Et comment !? Moi qui pensais qu'elle inventait, me voilà rentrer en France après avoir scanner les photos de ma famille découvertes récemment là-bas et qu'est-ce que j'y retrouve ? Des détails qui me confirment ses dires... Où commencent les effets de la maladie d'Alzheimer ? Où commence son devoir de mémoire qui consiste effectivement à parler avant de mourir? (Chose que Papa qui est décédé dans la lucidité absolue, n'a pas su se décider à faire) - La ligne de démarcation entre sa maladie et le devoir de mémoire reste à préciser. Elle bouge continuellement, mais cela devient presque un jeu pour moi. En ce sens, je trouve ma mère plus intéressante qu'avant. Et puis entre nous, dites-moi : de toutes les maladies dues à l'âge, franchement si l'on vous demandait de choisir la plus confortable pour vous ( pas pour votre entourage mais pour vous, puisqu'il faut bien un jour commencer par penser à vous-même ), laquelle choisiriez-vous ? Hein!, dites-moi braves gens, n'avez-vous jamais goûté au doux miel de l'oubli ?




=================/==================//////====================/===============================